RÉALITÉ RECOMBINÉE (1998) Avant-projet pour l'Arteplage de Neuchâtel, Expo.01
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Projet

"Voici maintenant formée la contemporaine société, qu'on peut appeler deux fois mondiale: occupant toute la terre, solidaire comme un bloc, par ses interrelations croisées, elle ne dispose d'aucun reste, de recul ni de recours, ou planter sa tente et dans quel extérieur. Elle sait, d'autre part, construire et utiliser des moyens techniques aux dimensions spatiales, temporelles, énergétiques des phénomènes du monde. Notre puissance collective atteint donc les limites de notre habitat global. Nous commençons à ressembler à la Terre"

M. Serres, Le contrat naturel

Un paradoxe s'impose aujourd'hui à nous: nous ressemblons à la Terre. Notre puissance d'organisation et maintenant de manipulation nous aura mené à ressembler à celle qui, jusqu'ici, nous dominait et que nous voulions dompter: la Nature. Désormais l'humanité, toute puissante dans ses manipulations, pèse aussi sur la planète en tant que phénomène climatique, énergétique. De facto, nous pouvons dire: l'Homme fait partie des phénomènes naturels, du monde des choses. " De l'homme dans les choses et des choses dans l'homme " est peut-ĉtre l'autre voie, celle que nous n'avions pas encore empruntée. Le paradoxe et l'interrogation attentive semble remplacer l'opposition binaire et dialectique, naturel/artificiel, matériel/abstrait, .../..., qui gouvernait notre relation au monde hier. La réalité de la nature, de notre nature et de nos artifices est désormais combinée.

Mais nous pourrions aussi exposer les choses de manière différente: la course que l'homme a toujours menée avec la nature, d'abord pour sa survie puis ensuite pour son bien-ĉtre et peut-ĉtre, aussi, pour assouvir sa volonté de puissance, cette course, ce serait une course contre le temps. Labourer son champ, construire sa maison, l'enduire de crépis et la maintenir "belle", organiser la vie, manipuler les gĉnes: autant d'activités qui vont à l'encontre du désordre, du vieillissement et de l'usure, de la dégradation qui mine nos édifices. En résumé, à l'encontre du monde matériel, mais aussi de notre propre matérialité. Lutte de l'organisation et de la maîtrise contre le désordre, autrement dit lutte de l'information contre l'entropie: de la néguentropie opposée à l'entropie. Cette entropie dont la finalité, pour nous humains, est la mort. Cette course que l'homme mène avec la nature pourrait donc ĉtre une course profondément métaphysique.

Comment alors incarner le paradoxe? Comment matérialiser la course?

fabric | ch, printemps 1998


Univers A - consommer

Lieu : Neuchâtel, environnement bâti - Arteplage, Expoparc -

Scénario : sur les rives de Neuchâtel, nous les Hommes avons conquis par trois fois des terres sur ce qui était jusqu'ici un monde naturel, un territoire improductif à nos yeux. Nous avons conquis sur le lac et façonné à notre image: ordre, organisation, utilité. Penchons nous cependant avec attention sur ce monde, qui habitait ces lieux avant que nous n'arrivions? Le "presque rien" habitait ces lieux et ce presque rien, c'etait de l'air et des courants d'airs, du vent, de la pluie et de la condensation, du soleil. Mais aussi des insectes et des oiseaux.

Nous manufacturerons, nous mettrons en forme et prendrons donc temporairement possession de ces choses, nous les organiserons: environnement artificiel et consommateur d'énergie.

Deux sous-ensembles caractérisent cet univers A, l'expoparc et l'arteplage. L’expoparc met en scène de manière brutale notre rapport à la nature (contenir, ligoter, empiler, emboîter: manipulations énergétiquement pauvres); l'arteplage tente de simuler avec une énergie débordante et des matériaux sophistiqués des formes "naturelles", sans pour autant éviter d'avoir l'air très artificielle.

Un " volume d’interaction " situé dans l’expoparc reçoit en permanence des informations recombinées depuis l’univers virtuel C (voir ci-dessous).

Caractère : Architectures d'air et de courants d'airs, parois de mouches et de moustiques, bâtiments à condensation, bâtiments à chaud et à froid, couloirs à courants d'airs. Ombres architecturées. Pluies et climats artificiels.


Univers B - rendre

Lieu : quelque part sur une route, environnement naturel

Scénario : quelque part sur une route, entraver un environnement humain et fonctionnel par de la nature. Quelque part, rendre temporairement de la nature. Rendre ici ce que nous prenons ailleurs dans une forme de constat, constat que nous, humains, faisons partie du monde des choses.. Rendre la matière que nous avions mise en forme et manufacturée à la nature et laisser faire. Création des bases d'un biotope pour insectes et oiseaux qui évoluera à sa guise pendant la durée de l'exposition. Répondant naturel à notre gain artificiel et temporaire sur l'eau du lac de Neuchâtel: l'arteplage. De l’expoparc, des images de foule sont surexposées àl’univers B...

Caractère : dégraper une route et aménager un étang, larves d'insectes, de mouches, canards. Plantes aquatiques. Petit monde.


Univers C - informer

Lieu : quelque part sur les réseaux informatiques, environnement numérique

Scénario : ailleurs, sur le Net, il existe un troisiéme monde: lieu d'information, d'implication et d'expérimentation. Ce lieu n'est ni naturel, ni artificiel et constitue le centre d'interactions. Les sons, les données et les images saisies dans la réalité des univers A et B à l’aide de capteurs sont recombinés ici. L’univers C est un hybride numérique géré par des algorithmes, il mute (sous l'impulsion des données envoyées par A et B). Les utilisateurs au travers de leur avatar (présence informatique qui nous "incarne" dans les univers numériques), peuvent le parcourir, interagir et aussi le modifier. Ce sont ces interactions et ces données qui en retour informent A (mapping) et modifient les données climatiques de l’arteplage (couloirs à vent, ombres architecturées, etc.).

Ce monde se situe nulle part et partout en mĉme temps, il écrase les distances et le temps.

Caractère : environnement multi-users tridimensionnel sur Internet. Possibilité de se connecter depuis un certains nombre de lieux sur la planète (participation des Suisses de l’étranger à l’expo.01). Interaction avec le modèle et entre utilisateurs par l'intermédiaire d'avatars.

Univers A B C - volume d'interaction

Lieu : présent dans chaque partie du projet, matérialisation du flux entre les univers A, B et C

Scénario : ces trois univers présentent une réalité recombinée, complexe et paradoxale, des flux les unissent et les désunissent. Témoin de cette triple réalité, un volume nommé " volume d’interaction " les traverse. C’est un volume composé d'images et de sons, d'information et de bits, de données, parfois de matiére. Aucun des univers initiaux ne demeure donc "idéal" : ils sont interconnectés, liés. Ainsi,

- le son capté dans A et B est transmis à C puis mixé

- les images de foules prises dans A sont surexposées à B, celles de B à C

- les données transmises par des capteurs présents dans A et B (visiteurs, décibels, chaleur, humidité, énergie, etc.) informent les algorithmes qui génèrent le monde virtuel C

- en retour, les données climatiques du monde A sont pilotées par les informations issues de C

Caractère : le volume d’interaction est le réceptacle de ces flux. Il ouvre de nouvelles voies à explorer, sans pour autant porter de jugement de valeurs. L'entropie coule dans un sens pendant que l'information remonte dans l'autre en une tentative effrénée de gagner un potentiel de temps, de ralentir l’avancée du désordre. Au terme de l'exposition, ce triple univers aura muté. Il se sera ré-inventé sous l'action des humains, de la nature et de la technologie, nous montrant un univers de possibles.


Membres

fabric | ch
création et direction artistique / conception architecturale / design d'interaction / code et réseaux

dunning & versteegh, p.i.a.
conception, design / gestion architecturale / ingénierie

claudia durgnat
project management / coordination et gestion financiére

adatte design
design / recherche de matériaux / solutions techniques

dominique barthassat & frédéric pfyffer
sound design

dal busco ing. sa
ingénieurs civils

b. matthey ing.
ingénieurs géotechniciens

angus engineering
ingénieurs CVS

perrin & spaeth ing.
ingénieurs électriciens